Expo
Frédéric Teschner / Jonathan Uliel Saldanha / Edouard Le Boulc’h / Directing the Real
samedi 3 février > samedi 28 avril 2018
Passerelle CAC • Brest

Frédéric Tesch
Le travail graphique de Frédéric Teschner se forge dans l’exploration empirique permanente, dans une question lancée, une photo prise à l’Iphone ou un crobard fébrile jeté dans son Moleskine. Il s’invente chercheur, non pas un de ces laborantins qui étudient et décortiquent un sujet mais un observateur boulimique, toujours à l’affût de la rencontre avec un penseur, un artiste, une œuvre, de la découverte d’une bizarrerie architecturale, une craquelure dans un mur, une image insolite… Il devient un flâneur au sens dix-neuvièmiste du terme pour qui le monde qui l’entoure compose un paysage à arpenter où débusquer icônes et expériences et dont la traversée provoque les idées en cascade. Dans ses pérégrinations récurrentes sinon quotidiennes, il glane des formes, des textures, des symptômes, des usages pour composer sa « matériauthèque ». C’est un socle, une base de données hirsute comme on en trouve dans bien des disques durs d’artistes. Les items qu’elle recèle échafaudent des scénarii graphiques comme autant de stratégies narratives et poétiques dont l’épilogue sera une affiche, un livre ou une exposition. Sa démarche de conjugaison d’icônes relève de l’alchimie, d’une tentative de transformation, de transmutation qui dépasse la simple manipulation et confrontation d’éléments préexistants.
Frédéric Teschner était, jusqu’à sa disparition en 2016, le graphiste de Passerelle. L’hommage que nous lui rendons cette saison n’a pas de caractère rétrospectif mais se veut une plongée dans sa matière visuelle et graphique.
Jonathan Uliel Saldanha Vocoder & Camouflage : Tactics of Decay
L’installation Vocoder & Camouflage joue sur la notion de toxicité électrique à travers une jungle technicolor habitée par des organismes spectraux, des ruines de voix et des aperçus de lumière filtrée. Environnement immersif, une forêt suspendue, carcasse massive de débris floraux est activée par des vibrations de lumière, de son et de fumée expirés par le procédé organique de la décomposition végétale. L’amas végétal devient écran, la surface de tiges et de feuilles, le support décadent d’optimisme numérique dans un malström de voix artificielles, d’échos, de rayonnements et d’odeurs.
Vocoder & Camouflage est le dernier opus d’une recherche de longue date, menée par Jonathan Uliel Saldanha sur les acoustiques souterraines, l’inconscient collectif de la Terre et de ses machines verticales et animistes.
Pendant le festival DañsFabrik, l’installation Vocoder & Camouflage sera contaminée par deux activations intitulées « Tactics of Decay ». Ces procédures intercepteront la jungle chromatique installée à Passerelle en modulant sa toxicité intrinsèque.
Cette exposition s’inscrit dans un partenariat de production initié en 2014 avec Le Quartz, Scène nationale de Brest. Chaque année, dans le cadre du festival DañsFabrik, la scène nationale et le centre d’art contemporain questionnent ensemble les porosités et frictions entre danse contemporaine et arts visuels. Ou comment l’exposition se nourrit des pratiques chorégraphiques et vice-vers
Edouard Le Boulc’h Peripheral Feed
On regarde une émission télé, a priori française, a priori un peu datée, des années 1980 peut-être. Sur le plateau se jouent des codes cathodiques qu’on qualifierait volontiers aujourd’hui de vintage avec son lot de cols roulés, de fond de scène neutres, d’écrans à balayage et de tables transparentes. Le tout dans une tonalité chromatique étrangement terne pour le petit écran, sorte de noir et blanc en couleur… Interrogé par un présentateur, un maître yogi américain présente un nouveau programme de communication réflexologique de son invention supposé révolutionner la nature des rapports entre êtres de conscience. A plusieurs reprises, le signal TV saute, glitch, comme sur une vieille VHS qui commence à fatiguer.
Et tout ceci de résumer assez bien l’approche d’Edouard Le Boulc’h quelque part entre sophistication, humour pince-sans-rire et sagacité.
Aussi sombre soit-il, il serait hasardeux de réduire son univers à une expression simple et appliquée d’une anxiété générationnelle. Toujours est-il que le jeune artiste appartient à la première génération qui n’aura pas connu le monde d’avant la révolution numérique – celle de l’accès à tout en quelques clics, de la communication dématérialisée, de l’immédiateté – et, de fait, à la première génération à se demander comment fonctionnait et ce qu’impliquait la communication avant.
Y aurait-il à voir une certaine nostalgie ? Une lucidité à toute épreuve, plutôt. Et à l’évidence, pour l’artiste, le passé et ses occurrences sont avant tout matière à éclairer le présent. Dans un monde qui, quarante ans après le cathartique Soleil vert (Richard Fleischer, 1974), propose des repas normés de substitution à notre alimentation variée, force est de lui donner raison.
Peripheral Feed est une partition fictionnelle à la fois visuelle et sonore. Une variation sur une certaine fin du monde…
Directing the Real Films d’artistes et vidéos des années 2010
BASMA ALSHARIF, DANILO CORREALE, ALESSANDRA FERRINI, LOUIS HENDERSON, BASIR MAHMOOD, REBECCA MOSS, ARASH NASSIRI, EMILIJA ŠKARNULYTĖ, DRIANT ZENELI
Curator : Leonardo Bigazzi
Directing the Real. Films d’artistes et vidéos des années 2010 , sous la direction de Leonardo Bigazzi, rassemble des œuvres vidéo monocanal de neuf artistes internationaux, dont la plupart sont présentés en France pour la première fois. Cette génération d’artistes, née après 1980, opère à une époque où la confrontation avec le « réel » et sa représentation deviennent souvent nécessaires et inéluctables. Notre expérience du monde qui nous entoure est cependant de plus en plus médiatisée et altérée par les écrans et les technologies électroniques, au point que la frontière entre réel et virtuel peut être floue. Le passage de l’analogique au numérique et l’accélération de l’internet et des nouveaux médias influencent profondément le langage vidéo en générant des choix esthétiques et formels désormais bien reconnaissables dans leurs œuvres.
Comment les artistes répondent-ils aujourd’hui à une société mondialisée où les images et les informations sont si souvent construites et manipulées pour altérer la réalité ? Et comment les révolutions technologiques de ces dernières années, et la rapidité avec laquelle ces images sont partagées et consommées, ont influencé leur (et notre) vision du monde ? Comment représenter un monde de plus en plus dominé par des intérêts économiques, divisé par les guerres et l’injustice sociale, et où la relation entre l’homme et l’environnement atteint un point critique ? Dans un tel contexte, quel est le rôle et le potentiel de l’art et de l’espace d’exposition en tant que lieu physique de réflexion et de partage ?
Directing the Real. Films d’artistes et vidéos des années 2010 vise à offrir un aperçu de la production de neuf artistes internationaux qui ont fait de certaines de ces questions le thème central de leur pratique. Les travaux sont divisés en trois programmes thématiques. Les effets aliénants et exploiteurs du capitalisme sur le travail sont l’objet du Programme n.1 ; tandis que les artistes inclus dans le Programme n ° 2 ont décidé de filmer ou de créer des paysages et des lieux qui deviennent des personnages centraux de l’œuvre afin de témoigner d’une utopie ratée ou d’un futur apocalyptique possible. Enfin, les vidéos du programme n.3 ont été réalisées dans des situations où les artistes ont été contraints à des limites géographiques spécifiques pour des raisons politiques, économiques ou artistiques.
Directing the Real. Films d’artistes et vidéos des années 2010 faisait partie de l’exposition organisée par le Festival du film Lo Schermo dell’Arte à Florence pour célébrer son 10ème anniversaire (du 14 novembre au 10 décembre 2017, Palazzo Medici Riccardi, Florence). Depuis plusieurs années, le Festival s’est engagé à promouvoir et produire les œuvres de cette nouvelle génération d’artistes visuels travaillant avec des images en mouvement à travers des projets comme VISIO (2012-2017) et le Festival du film Premio Lo Schermo dell’Arte (2010 – 2013).
VISIO a créé une archive importante en cartographiant jusqu’à présent plus de 500 artistes travaillant avec des films et des vidéos en Europe. Le programme s’est développé en une vaste plateforme d’exposition et de recherche et les résultats de ce travail aboutiront à une publication produite par Lo Schermo dell’Arte en collaboration avec Passerelle Centre d’art contemporain et Palazzo Strozzi. Le livre sera publié par Mousse Publishing en 2018 et mettra en vedette des contributions de grands conservateurs internationaux, d’artistes et de critiques qui ont participé au programme.